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Universités transatlantiques

Pierre de Coubertin
pubblicato da Librairie Hachette, Paris, 1890

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Les impressions de voyage en Amérique débutent toujours par quelques lignes consacrées à l'Océan, à la traversée, au bateau ; c'est un hommage payé à l'élément perfide et capricieux qui, rarement, consent à vous porter d'une rive à l'autre sans vous donner quelque preuve de sa formidable puissance.
Je ferai comme tout le monde, cher ami, afin d'avoir l'occasion de placer votre nom en tête de ce livre que nous avons vécu ensemble. La Bretagne nous emporta ; c'est votre pays ; la Normandie nous rapporta ; c'est le mien. Le hasard ne pouvait mieux choisir ! En mettant les deux traversées bout à bout, cela fait seize jours pendant lesquels nous fûmes prisonniers de la vague et du vent ; vous souvenez-vous avec quelle anxiété nous venions, à chaque midi, contrôler sur la carte la marche du navire ? Un petit drapeau de carton indiquait sa position dans l'immensité et, peu à peu, les petits drapeaux formaient une ligne, la ligne audacieuse tracée jadis par Colomb. Avez-vous encore dans l'oreille la voix de la lugubre sirène perçant le brouillard ? ou le son de la cloche guillerette qui, cinq fois par vingt-quatre heures, nous appelait à des repas dignes de Gargantua ? Entendez-vous, dans la nuit, sur les flots calmés qu'irise la lune, les chants poétiques des émigrants, encore tout pleins d'illusions et d'espérances folles, bientôt déçues, hélas ! Nous aussi, nous rêvions de pays merveilleux et de paysages enchantés, dans ces interminables assoupissements de l'après-midi, sur le pont, avec l'horizon libre, l'atmosphère indéfinie et le rythme des lames.
Nos siestes étaient troublées par une famille anglaise qui passait son existence dans huit fauteuils à l'abri du canot du commandant. Elle semblait terrassée par le mal de mer et ses plaids, ses édredons, ses boas lui donnaient l'aspect d'un vaste effondrement. Toutes les quinze minutes néanmoins, une voix languissante s'échappait de cet amas de matières plucheuses et disait, en s'adressant au garçon qui passait avec des assiettes et des verres plein les mains : « Gââçon, oune cottelette ; gââçon, du poulette froide ! » Cela me rassurait singulièrement sur leur sort !

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