A la fin de la dernière session, le ministère de sir Robert Peel était dans toute sa force. Les deux chambres du parlement lui accordaient des majorités triomphantes ; la confiance générale s'attachait à ses plans et devançait ses actes. Depuis M. Pitt, jamais gouvernement en Angleterre n'avait disposé d'un pouvoir plus étendu ni moins contesté.
L'Irlande devait être sa difficulté capitale. Placé entre des amis fanatiques et des adversaires irréconciliables, ayant à désarmer les passions d'un peuple aigri par la persécution et par la misère, et se posant le problème de faire vivre sous les mêmes lois deux races d'une civilisation inégale et d'une origine différente, les conquérans et les vaincus, on lui avait prédit qu'il échouerait sans gloire. Le procès d'O'Connell, cette brutalité arrachée à M. Peel par l'impatience d'un ministre qui est resté soldat, avait failli justifier la prédiction en compromettant tout ensemble la bonne foi et l'autorité du cabinet ; mais presque aussitôt M. Peel avait rétabli et amélioré sa situation par une politique aussi hardie qu'elle était grande. Il avait compris que, pour rattacher les Irlandais à l'Angleterre, il fallait s'attaquer à la fois à leur ignorance et à leur pauvreté incurable, leur donner l'instruction et le travail. La première partie de ce plan avait été réalisée par l'acte qui porte à 30,000 livres sterling la dotation du séminaire de Maynooth, ainsi que par un système d'instruction secondaire et académique qui a pour point de départ en matière de croyances religieuses une tolérance absolue ; la seconde partie le sera, quand une loi équitable aura réglé les relations des fermiers avec les propriétaires, et lorsqu'un réseau de chemins de fer, dont les principaux attendent la sanction de la chambre des communes, aura mis en valeur le territoire ainsi que les richesses minérales et les ressources industrielles de l'Irlande.