Messieurs les Allemands, au détour d'un chemin
Vous m'avez arrêté, les armes à la main
Je ne suis pas soldat, n'ayant pas l'uniforme.
Vos édits sont formels, et je les avais lus.
Je serai fusillé tout à l'heure ! Au surplus
Faites votre devoir, je plaide pour la forme.
II
Quand vous êtes venus en France, mon pays,
J'étais l'instituteur de ces bourgs envahis.
Comme on entend les bois gazouiller à l'aurore,
Le babil des enfants indiquait ma maison !
C'est celle que l'on voit fumer à l'horizon,
Dans ce brasier, où tout un canton s'évapore.
III
Ma femme était Badoise. Oui, dans ce temps serein,
On pouvait naître encor des deux côtés du Rhin
Sans s'égorger et sans songer aux représailles.
Son cours ne traversait que mes rêves d'amant :
S'il me séparait d'elle, il était allemand ;
Elle le crut français le jour des épousailles.