La pendule dans la Bastide hantée

Mon rêve, devenir vigneron, posséder un domaine avec de la vigne, un chai, et faire mon vin. À force d'en rêver, c'est devenu une réalité. L'heure de la retraite n'a pas encore sonné, encore quelques mois à marner, mais je ne pouvais pas rater une aussi belle occasion. Une trentaine d'hectares de vignes, trente-trois hectares, 32 ares, et 57 centiares, pour être précis, avec le chai, le matériel d'exploitation, obsolète, mais il est là. Et la maison d'habitation, une magnifique bastide du XV ou XVI°, une ancienne maison forte avec des murs en pierre de pays bien épais, pour un prix plus que raisonnable, et avec le soleil de Provence en prime.

Ce domaine était en vente depuis plus d'une vingtaine d'années, pour quelle raison n'avait-il pas trouvé preneur avant, mystère !

L'entretien et le travail des vignes, ont été confiés à une entreprise spécialisée. L'élaboration, et la commercialisation des vins, et depuis plus d'un demi-siècle, c'est l'affaire de la coopérative de Saint-Pierre. Encore une récolte, et ça en sera terminé. Après, tout se passera à la Bastide Blanche. Pour les vignes ça peut aller, elles ont toutes été replantées, la plus ancienne doit avoir moins de 40 ans. C'est le chai que je dois remettre en ordre de bataille, les travaux à effectuer sont colossaux. Je souhaite également créer une boutique, la remise s'y prête parfaitement.

En un demi-siècle, depuis la fin des années soixante, tout a évolué dans l'élaboration des vins, et je me dois dans un premier temps de recruter un Maître de chai, un homme qui a du métier. C'est sur ses conseils que je m'appuierai, pour moderniser l'ensemble des installations.

Mon job actuel, la boulangerie industrielle, j'ai créé mon entreprise « La mie blanche », à Lyon, il y a de ça trente-deux ans. Les débuts n'ont pas toujours été faciles, mais je me suis accroché, et nous avons maintenant une très bonne clientèle. Dans quelques mois, je passerai définitivement la main. J'ai cédé l'entreprise, il y a un peu moins de deux années, et à un très bon prix, à un fond de pension américain. Je devais trois années au repreneur. Trois années durant lesquelles, je devais briffer, celle qui en deviendra la boss. Ma remplaçante a été directement recrutée par les Américains, et devait passer par tous les postes importants, avant d'accéder au sommet.

Encore quelques mois, et la vente sera effective, et enfin libéré. J'ai donc quelques mois pour remettre, ma nouvelle entreprise, le domaine viticole de la Bastide Blanche, en ordre de marche. Je dois également penser à la maison d'habitation, la bastide, ancienne maison forte est plutôt grande, et inhabitée depuis le début des années soixante-dix. Le gros œuvre, des murs bien épais en pierre du pays, est en parfait état. Mais il conviendra de refaire une partie de la charpente, de revoir et de remanier la toiture, de changer les huisseries, refaire l'enduit extérieur, rénover le chauffage, isoler, refaire le circuit électrique, et tout rénover à l'intérieur. Mon idée est de faire installer des panneaux solaires.

Ma première action sera de trouver le Maître de chai, et je vais m'y atteler dare-dare.

Je me présente, Ludovic Magnol, 58 ans, chef d'entreprise, divorcé de Emma Dubreuil. Je suis papa de deux filles, et d'un garçon, qui désormais travaillent tous les trois. Mon ex est enseignante, et mes trois enfants le sont également. J'aurais souhaité que l'un de mes enfants prenne ma suite, mais c'était sans compter sur une Emma revancharde qui a convaincu notre progéniture de suivre son exemple plutôt que le mien. J'avais 26 ans, l'année de notre mariage, lorsque j'ai décidé de créer « la mie blanche ». Les premières années furent très, très compliquées, et c'est Emma, jeune professeure de math qui faisait bouillir la marmite. Après cinq années de « régime sans sel », j'ai commencé à percevoir le bout du tunnel, mais pas question de faiblir. J'ai très certainement un peu négligé ma famille, ma femm

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