Il n'est pas de mortes époques pour l'historien, parce que le génie des nations, dont il fait profession d'observer les vicissitudes, est, comme la nature humaine elle-même, en activité et en transformation perpétuelle, soit que la domination incontestée d'un principe ou l'efflorescence complète d'une idée se manifeste par une de ces brillantes époques qu'on est convenu d'appeler les grands siècles, soit que la lutte ouverte entre deux principes contraires et pleins de vie enfante un XVIe siècle, soit enfin qu'un antagonisme encore dissimulé entre un passé déjà décrépit et une jeune lumière, se décelant par un travail caché, éclatant çà et là par quelque éclair imprévu, partage les âmes dans les bas temps, c'est-à-dire dans ces époques de transition dont le caractère général, difficile à saisir, est d'être complexes, mêlées et confuses. L'intérêt n'est pas moindre alors pour l'historien, mais il est autre : il voit se dérouler devant lui certains replis cachés de la conscience humaine avec les scrupules honnêtes et les revendications sincères du passé, avec les ardeurs encore incertaines et les premières conquêtes du prochain avenir.
Tel fut le XVe siècle : la décrépitude pâlissante du moyen âge s'y rencontre avec l'aurore déjà sensible des temps modernes ; la sco-lastique expirante y engage un dernier combat contre l'esprit grandissant de la renaissance ; le principe d'autorité, armé de toutes pièces, y livre bataille à celui de la libre pensée. Une lumière équivoque et voilée y recouvre de singulières contradictions. Le sort du XVe siècle a été d'être honoré par de grands dévouemens qu'il a tous méconnus.